lundi 19 mars 2012

Pour le blé, les sondages disent vrai

Les surproductions agricoles et les chutes de cours sont aussi néfastes pour les agriculteurs que les mauvaises récoltes. Dans la deuxième moitié du siècle dernier, l’Etat s’est doté d’un excellent système de prévision et d’intervention sur les marchés qui a contribué à garantir les revenus des entreprises agricoles.

J’avais pu me rendre compte du travail réalisé au plan national et dans un département ; un poste en région allait me permettre d’avoir une vision complète et détaillée du système de collecte et de calcul. Il reposait sur les 3 niveaux administratifs et sur les bases de sondage que constituaient les recensements de l’agriculture et les relevés photographiques de l’enquête sur l’utilisation du territoire appelée TERUTI.

Ces données de structure permettaient des sondages à 2 ou 3 degrés : par exemple, les échantillons d’exploitations de l’enquête sur la production de blé étaient tirés parmi les exploitations céréalières. Puis les échantillons par variétés, l’ensemble des grains de blé des épis sur un m² de surface, étaient effectués par tirage de parcelles au hasard dans l’exploitation. Cela faisait souvent l’objet de discussions avec l’agriculteur qui, par fierté, aurait souhaité faire figurer ses meilleurs parcelles. La directive était stricte : il fallait suivre un processus aléatoire basé sur un nombre de pas dans le champ, prendre le cadre d’1 mètre sur 1 mètre et couper tous les épis à l’intérieur. La moisson était effectuée dans un lycée agricole et le petit sac étiqueté convoyé vers le lieu d’analyse.

La question de la fiabilité des sondages a souvent été posée ; ne vaudrait-il pas mieux, si c’est possible, enquêter de façon exhaustive plutôt que par sondage ? La théorie apporte ses réponses par les démonstrations mathématiques ; l’objectif est le plus souvent de calculer la taille de l’échantillon en fonction de l’intervalle de confiance que l’on cherche à atteindre et du budget dont on dispose. Dans les années 1975, l’enquête sur les blés croisée avec les livraisons effectives contrôlées par l’ONIC permettait les deux approches, sondage et exhaustivité : les rendements prévisionnels par variété de blés tendres  - pour le pain - et de blés durs - pour les pâtes - calculés par échantillonnage étaient publiés en début de campagne céréalière. Par ailleurs l’ONIC effectuait des calculs au fur et à mesure des livraisons. Les écarts en rendements étaient importants en début de campagne puis diminuaient progressivement et le rendement moyen réel observé rejoignait la prévision à l'automne.

Une enquête sur les essences d’arbres a été lancée en 1976 à la demande du Centre National de la Propriété Forestière : les photos aériennes de TERUTI ont permis de tirer un échantillon de zones forestières. Les équipes de terrain ont eu ensuite pour mission de déterminer le propriétaire, car seuls les propriétaires privés étaient concernés ; puis les enquêteurs sont allés inventorier dans un cercle de 3 m autour du point toutes les variétés rencontrées (chênes, hêtres, merisiers, résineux…).

Souvent, il n’est pas nécessaire d’interroger toutes les entreprises de la même façon, il est possible de constituer des sous-ensembles d’entreprises ayant les mêmes caractéristiques, constituant ainsi des strates. Les grosses exploitations pour une production donnée faisaient alors l’objet d’enquêtes systématiques alors qu’on interrogeait qu’une petite exploitation sur 5 ou sur 10 rencontrées dans la base.

En région, le travail consistait à aider et accompagner les statisticiens départementaux dans les phases de préparation et de formation du réseau d’enquêteurs ; après enquête, il fallait collecter puis contrôler les questionnaires au niveau régional avant de les faire remonter au service central. C’est ce que j’ai fait pendant les 9 mois ; quelques études et rédactions m’ont également été confiées. Une synthèse réalisée à partir des données actualisées du RGA montrait les diminutions du nombre d’exploitations en Nord - Pas de Calais et Picardie…les branches agricoles n’ont jamais cessé de se concentrer depuis.

L’organisation globale de la statistique agricole a bien sûr évolué au fil du temps et les budgets ont suivi le poids des productions agricoles dans le PIB. Avec la politique agricole commune PAC, le travail départemental s’est transformé en compilation des données des déclarations obligatoires. En 2010, l’échelon départemental a été supprimé et les effectifs regroupés en Région.