mercredi 4 janvier 2012

Rive Gauche Rive Droite par Solférino

Le Directeur du service statistique de l’Agriculture était venu nous voir à l’école : il recherchait de jeunes statisticiens pour les services nationaux et régionaux. Le service central était alors 5 rue Casimir Périer dans le VIIème arrondissement de Paris, tout près de Sainte-Clotilde, l’annexe informatique, à côté de l’Opéra. C’était le seul service statistique de ministère (ssm) implanté sur l’ensemble du territoire aux niveaux départements avec des effectifs conséquents et des réseaux d’enquêteurs.

En 1973, nous étions encore tous concernés par le service militaire obligatoire. Il y avait plusieurs façons d’y échapper : les études, mais ce n’était qu’un sursis, la réforme (dont les fameux P4), mais c’était en quelque sorte avouer quelque maladie honteuse, et l’objection de conscience, pour ceux qui étaient vraiment courageux. J’avais entendu parler de l’Aide Technique (loi de 1971) qui permettait de partir outre-mer dans des départements ou territoires français et des pays ayant des accords avec la France. C’était une façon de faire le service tout en n’étant pas militaire et d’exercer lorsqu’on avait une spécialité civile.

Il était encore très aisé de trouver un premier travail, surtout dans le métiers de l’informatique et à Paris. En province, les opportunités étaient plus rares et il valait mieux avoir un peu d’expérience. Je décidais donc de travailler sur Paris, de partir le temps du Service National puis de revenir en métropole, si possible en région.

Le Directeur du service voulait mettre en place des indicateurs de gestion : j’acceptais donc cette mission. On me confia également les prémices de l’automatisation de l’Annuaire de Statistique Agricole. Et, comme je posais les jalons pour partir à la Réunion, j’ai pu également travailler sur les résultats du recensement de l’agriculture, RGA 1970.

Comme beaucoup de services identiques de ministères, le Service Central des Enquêtes et Etudes Statistiques naviguait en grande partie à vue. Les budgets étaient alloués par poste budgétaire et on avait une indication de ce qui restait à consommer avec un différé d’environ deux mois, au fil de l’année. Le directeur souhaitait disposer de quelques indicateurs de gestion (des dépenses mais aussi de la régie de recettes) et m’en confia l’analyse et la sélection. Je lui ai remis un rapport avec des proposition précises au moment où des consignes de l’instance hiérarchique supérieure du Ministère Chirac sont arrivées, rendant ainsi caduc le travail effectué…

L’Annuaire de Statistique Agricole était en soi une institution complexe : décliné par départements et régions, il était censé faire un inventaire exact, complet et permanent des superficies et des cheptels, soit environ 400 pages, composées de titres plus ou moins imbriqués (têtière) et de données en ligne (par niveau géographique) . Certains chiffres venaient d’enquêtes objectives, voire de fichiers bien tenus à jour (cheptels bovins, par exemple) ; mais d’autres étaient simplement laissés à l’estimation du statisticien départemental : ainsi dans certains départements il y avait autant de dindons que de dindes, alors que dans d’autres, c’était 1 mâle pour 10 femelles…

Mais cela ne devait être en aucun cas mon problème : on me chargeait d’une mission plus technique consistant à considérer la têtière d’un côté et le corps du tableau de l’autre ; la têtière serait dorénavant éditée en typographie classique et le reste en photocomposition à partir d’une bande magnétique de données fournie à l’Imprimerie Nationale par une société de traitement informatique. Le facteur novateur était le spot lumineux dont le déplacement était tracé sur un papier sensible, remplaçant ainsi la composition au plomb.  Je me suis donc lancé dans une typologie des têtières en en reprenant les modèles avec une machine à écrire Olivetti à petits caractères pour que tout tienne sur une page.

Le recensement de l’Agriculture à la Réunion était beaucoup plus problématique : une gestion à contre temps des budgets n’avait pas permis de bien manager les équipes d’enquêteurs et en fin de compte, le Ministère disposait des questionnaires d’une enquête au dizième. Les définitions des entreprises agricoles et les productions de l’île sont bien sûr différentes de celles de la Métropole : il était impossible de dépouiller l’enquête avec les logiciels écrits. Par contre la transposition informatique des questionnaires suivant le dépouillement du RGA des Antilles permettait de tirer parti de l’investissement spécifiquement fait au Service Informatique rue de Picpus. En conséquence, cela me donnait une première connaissance des productions agricoles de l’Ile en perspective de mon futur travail.

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