Le Crédit Mutuel a enfin repris en 2012 le slogan qui pouvait le caractériser dès ses origines : « la banque qui appartient à ses clients-sociétaires ». En 1975, le réseau était le septième en France par le total des dépôts, il est le troisième à ce jour grâce à un développement rapide et aussi l’absorption de confrères tels que le CIC.
En 1976, le territoire national n’était pas entièrement couvert par les agences de Crédit Mutuel, contrairement au grand frère Crédit Agricole. Mais, il est vrai, les origines étaient les mêmes : des caisses de dépôts et prêts pour une population rurale qui se sont ralliées à la loi Méline dans un cas, ou se sont mises en opposition aux gouvernements centralisateurs dans l’autre.
Les Crédits Mutuels étaient donc plutôt en position de force dans les régions en réaction par rapport à la République : Alsace, Bretagne, autres régions de l’Ouest et du Nord… et quasi inexistants au sud d’une ligne Bordeaux Lyon.
En Charente, l’histoire du Crédit Mutuel était associée à celle de la Fonderie de la Marine de Ruelle, fabricant de canons puis plus généralement d’armements. Des ouvriers d’Etat désireux d’emprunter pour construire leur maison étaient confrontés au paradoxe suivant : les banques traditionnelles acceptaient leurs salaires en dépôt mais ne parvenaient pas à leur accorder de crédits malgré leur statut relativement protégé. Ils ont donc créé une caisse auto-gérée à Ruelle et l’ont affiliée au Crédit Mutuel.
Dès les années 1970, les mutualistes de Ruelle ont obtenu d’élargir leur territoire au Département de la Charente (300 000 habitants) et de créer une Fédération à Angoulême. La Fédération de Landerneau, devenue le Crédit Mutuel de Bretagne puis Arkéa au Relecq Kerhuon, les épaulait et ils obtinrent de la Confédération Nationale le droit de développer le mouvement vers le Sud, sur les départements de la Gironde et de la Dordogne.
L’extension du Crédit Mutuel du Sud Ouest était un phénomène plutôt urbain et, outre les jolies villes de Dordogne, Périgueux, Bergerac, Sarlat…, le potentiel de développement, c’était la Communauté Urbaine de Bordeaux et le Bassin d’Arcachon, soit environ un million d’habitants.
Au Crédit Mutuel, chaque caisse locale est en tant que telle une entité juridique avec un Président, un Conseil d’Administration et des élections suivant le principe « un homme , une voix ». Les sociétaires possèdent une part sociale et sont responsables jusqu’à un certain plafond en cas de liquidation. La Fédération du Sud Ouest nommait un « Gérant » de Caisse qui, sous le regard du Président, dirigeait une dizaine ou une vingtaine de collaborateurs. Les comptes étaient tenus au niveau de la Fédération et les flux financiers entre caisses consolidés au niveau d’une Caisse Fédérale. La Fédération supervisait avec une équipe de Contrôle de Gestion qui arrêtait les positions mensuelles en encours et quelques indicateurs de gestion par caisse.
L’informatique de la fédération était une grosse machine comptable « débit - crédit » commune aux caisses, dirigée par Philippe, un ingénieur en mécanique. Il avait choisi le constructeur NCR, spécialiste des distributeurs de billets de banque mais marginal dans les ordinateurs. Les Fédérations étaient soucieuses d’indépendance, les querelles de territoire étaient légions et on se méfiait généralement beaucoup de ses voisins immédiats. Un ordinateur IBM aurait sans doute permis plus d’échanges de logiciels orientés clients entre Fédérations, tels que nous le demandions.
J’eus un jour de 1978, une discussion franche avec Philippe sur le sujet : « Regardez la Banque Fédérative à Strasbourg ? » me dit-il. « Voudriez-vous que je tombe sous la coupe de Michel Lucas qui est prêt à avaler tous les autres services informatiques des fédérations ? », « …avoir un constructeur comme NCR rend plus difficile toute tentative d’absorption. » Il confirmera d’ailleurs sa position quelques années plus tard (1984), à l’époque des mini-ordinateurs ; le CMSO passera un contrat avec… DATA GENERAL !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire